Hyperlaxité intellectuelle
Le chewing-gum bien mâchouillé et
rebattu, une fois crachouillé de votre bouche votre main, ne
ressemble-t-il pas à une cervelle bien fraiche ? Image peu
ragoûtante je vous le concède, mais c'est ainsi que je visualise
mon capital cognitif. Pas d'I.R.M. ni de super vision, c'est l'image
qui s'impose à mon regard que cette matière molle et étirable. Un
deuxième chewing-gum peut s'y coller et l'amalgame est plus aisé
que la tentative de désembrouiller. Un troisième, un quatrième,
pourquoi pas ? Et puis je craque. Trop c'est trop ! Pauvre tête !
Alors je tire, ça claque : rédical. Dans ma main reste un petit
bout du chewing-gum originel, avec des petits bouts des autres
dedans, irrégulièrement. Certains sont même complètement
désolidarisés du mélange. Dans le creux de ma main, entre ma paume
et mes doigts, je le modèle un peu encore. Je l'étire, le presse
légérement, voilà, il ne me semble pas si mal. Un peu plus
difficile d'y voir claire depuis avec toutes ces intrusions,
cependant le résultat est bien plus joli et moins dégoulinant,
comme murit. Ce sera ainsi jusqu'au prochain assaut d'étrangers. Que
je les accueille gaiement ou les repousse ardemment, ils vont de
toute manière trouver un moyen de me chahuter. C'est un peu grâce à
eux que je vis aussi.
(c) copyright Gwendoline Desliens